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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/403

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— Oui, et je vous remercie. Mais ce n’est pas tout… Je reconnais que depuis la rentrée je m’étais rendue coupable de légères incorrections… Il vaut mieux, n’est-ce pas ? que nous parlions avec une entière liberté, une entière franchise… J’ai revu Marcel journellement, quelques minutes, dehors. J’ai eu tort, je le confesse… même, je m’excuse… et je m’engage à respecter rigoureusement l’arrêt de la cour, désormais…

Elle avait reconquis son énergie tranquille. Ses beaux yeux gris s’ouvraient tout grands, avec une limpidité froide, sur celui dont pendant douze années elle avait été la femme. Mais lui, en retrouvant, après tant de mois, et sous un aspect nouveau de mélancolie, de passivité douce, cette compagne chérie qui avait eu la prime jeunesse de son cœur, sentait un bouleversement s’opérer en lui. C’était comme le retour d’un long voyage au cours duquel il n’aurait cessé d’aspirer à Suzanne. C’était aussi comme la fin miraculeuse d’un veuvage affreux : l’épouse pleurée lui était rendue. Toute rancune s’évanouissait. La délicatesse de cette joue toute proche éveillait en lui l’idée du baiser. Tenir sa main, tout à l’heure, lui avait paru délicieux ; et quand il considérait le grisonnement de cette chevelure dont il avait tant aimé naguère le poids, la fraîcheur, l’éclat soyeux, le parfum, et qu’il devinait quelle longue, indicible souffrance avait pu modifier ainsi, physiologiquement, cette belle et saine créature, une