Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/42

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baies, qu’une lumière insuffisante, et le tribunal avait dû allumer les lampes électriques. Au fond de l’énorme salle mystérieuse, elles simulaient, sous l’abat-jour de porcelaine, cinq chapeaux verts, lumineux et légers, au mince support de cuivre. Par derrière, les trois bustes noirs des juges au visage blanc se dressaient immobiles. À la barre, entre le prétoire illuminé et la partie des bancs où le jour blême régnait encore, se découpait, en ombre chinoise, la silhouette de maître Blondel, l’ancien bâtonnier, dont les manches faisaient un battement d’ailes.

C’était un discret petit homme, de qui le museau pointu et pâle, aux deux houpettes de favoris blancs, se tournant parfois vers l’adversaire, apparaissait de profil. Avec son étonnante logique, exempte d’effets oratoires, il se résumait presque à voix basse. Avocat de la demanderesse, il refaisait l’histoire de son mariage avec le vicomte, peintre amateur, et redisait en abrégé les déboires de cette union.

Toute une brochette de jeunes avocats se penchaient à leur banc pour saisir les jeux de sa physionomie. On voyait, sur les chapeaux des auditrices, de longues plumes onduleuses frémir ; des hommes mal vêtus, parmi la bande d’oisifs qui se traîne d’audience en audience, s’étaient endormis et ronflaient doucement ; d’autres n’écoutaient plus, frustrés de l’étalage des trivialités conjugales dont, à chaque divorce,