Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jamais ce que cela me coûte. Avoir tant peiné, avoir tant combattu pour posséder un métier, avoir attendu opiniâtrement les causes pendant trois ans, m’être astreinte à plaider d’office sans répit, — mademoiselle Angély n’avait pas pour ses pupilles de défenseur qu’on entendît plus souvent que moi, — constater un beau jour que les affaires commencent à m’arriver, et tout abandonner en fin de compte !… Je gagne maintenant de quoi me payer au moins des chapeaux et des robes : je me suis fait une petite clientèle de domestiques en défendant, l’année dernière, au civil, la tenancière d’un bureau de placement. Depuis lors, des bonnes me confient leurs procès correctionnels ou leurs divorces ; elles viennent me demander conseil à propos d’un amant qui les abandonne avec un enfant, d’un patron qui les a séduites, d’une rupture en promesse de mariage. Ces pauvres filles payent peu, mais consciencieusement… Parfois il me semble que ça sent un peu l’oignon dans ma petite salle à manger convertie en cabinet de consultations, ou, du moins, pas la peau d’Espagne ou l’iris comme chez vous, ma grande confrère. Peu importe ! j’ai ma spécialité ; certains bâtonniers ne l’ont pas encore… et je suis très fière.

— Vous avez le droit de l’être, ma petite amie.

— Vous comprenez que le vœu de Servais me bouleverse. Moi je vous admire beaucoup, ma