Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/428

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chère Henriette : je ne voudrais qu’une chose : vous ressembler. Je nous voyais très bien, Maurice et moi, copiant un peu, de loin, votre illustre ménage : aussi, quand tout à l’heure, dans te désarroi où je suis, je vous ai aperçue, j’ai pensé aussitôt : « Je vais me confier à elle. L’avis de celle-là, il faut le suivre… » N’est-ce pas que lorsqu’on est quelqu’un, il faut le rester, même dans l’amour, même dans le ménage ? N’est-ce pas que ce serait mal d’abdiquer ?

Henriette était devenue très grave. Elle dit :

— J’ai pensé cela exactement, autrefois.

Puis les deux avocates se turent. Devant elles s’épandait une énorme cité gothique, un fouillis d’habitacles délicats avec des galeries coulant sous d’immenses arcs-boutants, comme une rivière sous des ponts. C’était Notre-Dame étageant pêle-mêle ses contre-forts, ses pinacles, ses gargouilles, ses figurons, ses statues, ses balustrades, ses clochetons, ses lucarnes, jusqu’au motif de ferronnerie qui hérissait la ligne du faîte. On aurait dit toute une ville aérienne, ajourée, fantastique et folle, bâtie pour des chimères. La pierre grise absorbait déjà les teintes du crépuscule, et les murailles apparaissaient fragiles et irisées, faites de vitraux. Et Louise, dont les rêves, depuis tant d’années, s’étaient posés sur chacun des ressauts de ces dentelles durcies, les y recueillait, un à un, tandis qu’Henriette méditait ardemment.