Aller au contenu

Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Quelles raisons vous donne Servais pour exiger un tel sacrifice ? demanda-t-elle enfin.

— Il me dit que continuer à plaider serait pour moi une grande fatigue, qu’il réussit assez bien à présent pour subvenir seul aux frais de notre maison pendant que je la dirigerai, que j’aurai là suffisamment à faire… Savez-vous, ma chère Vélines ? Je le soupçonne un peu d’un inconscient orgueil de maie, mettant sa gloire à demeurer la colonne unique du temple familial.

Henriette sourit, à son tour :

— Vous ne vous trompez pas. Il y a aussi dans son cas l’exclusivisme de la passion, et puis le sens atavique de l’unité conjugale. Entre les époux, tout devient commun, surtout s’ils sont en même temps que mari et femme, amis et amants. Dormir côte à côte, rompre ensemble le pain, dépendre des mêmes accidents de la fortune, cela vous mêle singulièrement l’un à l’autre, à la longue. Si le présent est indivis entre vous, pour employer notre jargon juridique, l’avenir l’est bien davantage encore dans son imprécision. On a un but unique, on caresse ensemble les mêmes projets, on partage l’ambition… Je dis généralement, parce que, jusqu’à notre époque, ç’a été la règle. Enfant, jeune fille, j’ai toujours vu dans le ménage de mes parents l’esprit de ma mère, comme celui de mon père, tendus vers l’avancement de celui-ci dans la magistrature. Ma mère a eu un salon pour cela ;