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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/430

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elle a donné des dîners pour cela : ce semblait être sa fonction de hâter, par ses vœux et par son adresse de mondaine, l’avènement de son mari aux honneurs. Ils échangeaient souvent leurs espérances, leurs craintes, leurs désirs.

Louise reprit :

— Chez nous, c’était de même. Je revois encore mon père sous-lieutenant, et je me rappelle maman toute jeune, cherchant, le soir, à la lampe, sur la carte militaire, les garnisons convoitées. Combien de fois fut agité entre eux le projet de « demander les colonies », où se fût améliorée pécuniairement la position !… Et quel rayonnement sur le visage de ma mère, à chaque nouveau galon venant s’ajouter à la manche de papa !… Pauvres chers parents ! ils n’avaient qu’une seule âme pour aspirer aux grades supérieurs ; ils communiaient innocemment dans l’arrivisme !

Elles s’égayèrent, toutes deux, à ce mot qu’Henriette trouva charmant.

— C’est cela, dit-elle, c’est bien cela !… Communier dans l’arrivisme : il y avait là, pour les époux, une cause incomparable de fusion. Maintenant que l’homme et la femme ont chacun sa profession et chacun son objectif, c’est tout le contraire : le terrain de perpétuelle entente leur manque. Ils ressemblent un peu à deux chevaux attelés au même timon, dont l’un tire à hue et l’autre à dia.