Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/439

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jour, sortant de chez toi, un vieux monsieur décoré, à l’air considérable. J’avais flairé un procès retentissant… J’en étais heureuse…

Il répondit amèrement :

— Tu t’étais trompée. Je n’ai pas de procès retentissant : je plaide, à la cour, demain, contre un concierge ; après-demain, contre la régie, pour une barrique de vin volée au quai de Bercy, et mon affaire la plus importante se réduit à une résiliation de bail refusée par la Ville de Paris.

Il y eut un silence, puis Henriette reprit :

— Tout cela n’a pas beaucoup d’attrait, mon pauvre ami ! La vie que tu mènes est bien austère pour tes trente-six ans. Pourquoi ne recevrais-tu pas quelques-uns de nos confrères ? Tu en avais manifesté le désir autrefois : maintenant que notre situation s’affermit, je ne vois pas ce qui nous en empêcherait.

— Oh ! dit Vélines âprement, le petit avocat que je suis n’a point de réceptions !

Ce fut pour tous deux une minute pénible, Henriette, très troublée, hasarda :

— Tu es toujours un avocat fort occupé.

— C’est-à-dire que je suis le tâcheron du barreau : je casse des pierres… D’autres taillent dans le marbre.

Henriette fit un pas vers le bureau où s’étalait le fouillis des paperasses. Son regard atteignit la main d’André posée à plat sur la bordure d’acajou du meuble : cette main nerveuse, intelligente,