Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/450

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une délicieuse avocate, chère madame ; pourtant je commence à croire qu’avec un homme on s’entend toujours mieux. Si vous ne me gardez pas rancune, montrez-le moi en accompagnant demain votre mari.

Lorsque Henriette se retrouva seule, dans les couloirs du Palais, elle frémit comme un être qui vient d’engager imprudemment sa destinée. C’était fini : il lui semblait que sa robe, sa chère et glorieuse robe d’avocate, lui glissait des épaules et que le sentiment incomparable du succès l’abandonnait pour toujours. Elle s’était dite la secrétaire de son mari : c’était infirmer jusqu’à ses triomphes passés. Elle s’était récusée devant cette affaire qui l’eût illustrée d’un éclat incomparable. Cependant, à l’idée de celui à qui, en pensée, elle offrait son sacrifice, son cœur bondissait dans sa poitrine, et elle se disait, attendrie :

« Le pauvre ami a tant souffert ! »

Elle le chercha au tribunal civil, où il était occupé ce jour-là. Une fièvre la pressait de donner enfin à son mari une joie, une joie dont elle serait l’auteur unique. Est-ce que ce ne serait pas bon de contribuer ainsi secrètement à rehausser sa réputation, de restituer à ce grand talent le rang qui lui convenait ?

Ce fut dans la salle des Pas-Perdus, au milieu du tumulte, qu’elle rencontra André.

— Comme tu es défaite ! s’écria-t-il, en l’examinant d’un regard inquiet.