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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/458

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on amenait des fournées de prévenus. Des stagiaires l’un après l’autre, ânonnaient en leur faveur. Même à la cour, on aurait cru voir une hâte dans le prononcé des arrêts. Et d’une chambre à l’autre errait, vague troupeau somnolent, tout le peuple des habitués du Palais, individus sans métier et sans caste : vieilles fagotées, éprises de procédure : bandes suspectes d’adolescents et de femmes en cheveux, amateurs du criminel. Se traînant de banc en banc, ils vont, selon leur goût, s’exciter au spectacle des condamnations infamantes, se délecter à l’exhibition des intimités conjugales que dévoilent les affaires de divorce, ou bien, pacifiques et aimables, ronfler doucement dans une atmosphère étouffante, aux longues plaidoiries, bourrées de jurisprudence, des interminables procès civils. On les voit peupler de silhouettes falotes les couloirs dont ils rasent les murailles, chaque fois qu’un président expéditif vient d’articuler le sacramentel : « L’audience est levée », et ils vont se heurter aux tambours fermés, parcourant la cour et le tribunal, jusqu’à l’heure où, désespérant de trouver une porte ouverte et un prétoire en activité, ils quittent à regret ce théâtre de leur prédilection, s’égrènent sur les marches de la cour de Mai, sûrs d’y revenir demain, après une nuit passée nul ne sait où…

L’animation du Palais s’accroissait toujours, dans la sonorité des galeries aux voûtes doriques.