Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/466

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à cinq heures du soir, on vit parmi les avocats se lever Blondel qui, petit et myope, allongeait au bout d’un cou grêle son profil chafouin, pour ne rien perdre des gestes de l’orateur.

Alors Henriette, qui demeurait en son modeste rôle assise auprès d’André, sentit aussitôt le triomphe s’apprêter. Ce n’était pas en vain que, depuis une année, Vélines avait, dans le secret des petits procès, dans l’obscurité d’une clientèle médiocre, perfectionné sa logique et son art. En reparaissant pour la première fois devant le grand public, il étalait lumineusement tout l’acquis de son sourd labeur. À penser qu’à ce même instant elle aurait pu tenir cette barre, déployer son talent, haranguer ce même jury dont l’immobilité disait l’emprise du jeune maître, Henriette eut peut-être le dernier sursaut de sa vanité vaincue, mais pas de regret. Elle aimait son mari de toute la profondeur de son sacrifice, à la façon des mères, qui est celle de tous les vrais cœurs de femme. Elle le voulait reconquérir, et elle jouissait de l’admiration qui venait à lui visiblement, comme d’un présent somptueux qu’elle lui aurait fait.

Il parla deux heures pour innocenter l’empoisonneuse et il l’innocenta, ou du moins il produisit par la force d’une argumentation où il avait cheminé pas à pas, avec une sûreté prodigieuse, un tel doute sur la culpabilité, dans la conscience des jurés, que toute condamnation était devenue