Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/57

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gance si fréquent aux adolescents, elle souhaitait des tuniques, des cothurnes, un péplum.

D’autre part, la musique la captivait ; puis ce fut la poésie. Ignorante de l’harmonie, elle improvisait au piano des mélodies qu’elle pleurait d’être impuissante à transcrire. Des soirées entières, elle s’exaltait à lire des vers et, le matin, au lit, à peine éveillée, elle en faisait de naïfs dont certains étaient beaux. À seize ans, toutes les œuvres de l’esprit la sollicitaient également. La moindre impulsion l’aurait pu faire, avec autant de chances, poétesse, musicienne, peintre ou femme de lettres. L’impulsion ne lui fut pas donnée.

Cependant cette fièvre spirituelle qui la minait nuisait à la tranquillité mentale où s’opèrent les bonnes études : elle travaillait mal, trop éprise de fantaisie pour se plier à la règle monotone des classes, quand mademoiselle Angély survint dans sa vie. Dès lors tout changea.

Celle qu’on appelait « la mère des avocates » était un de ces génies cachés dont la puissance reste ignorée. Gênée par son embonpoint, sans cesse souffrante, le foie malade, d’une conversation terne, d’une apparence bonasse, elle était une des femmes de Paris qui remuent le plus d’âmes. En même temps qu’elle dirigeait l’œuvre des Petits Déshérités, pour la protection de l’enfance coupable, elle enseignait le droit dans les lycées de filles parisiens. À cette double