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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/58

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besogne, qu’il s’agit de meubler l’esprit des petites lycéennes ou de régénérer les jeunes consciences déchues, elle apportait une pareille maîtrise, laissant à tous les êtres qui passaient par ses mains l’empreinte de son génie. Malgré tous les déboires que lui occasionnaient ses vicieux pupilles, elle s’acharnait, avec son entêtement magnifique, à labourer ce terrain du mal, et son fâcheux état de santé ne l’empêchait pas de suivre les débats de la huitième chambre, au tribunal, le jour qu’on y juge les mineurs, de se transporter, deux ou trois fois la semaine, à sa colonie d’Ablon, — la « clinique », comme elle disait, où l’on « soignait » ses petits criminels, et de consacrer ses matinées à l’enseignement. Sa générosité ne se décourageait jamais. Aucune récidive ne la rebutait. À son œuvre, elle intéressait les magistrats, affiliait les juges d’instruction, vouait ses élèves, car elle avait fait le rêve de consacrer à la défense des enfants criminels toute cette pépinière d’avocates qu’elle formait au lycée, suivait en leurs études à l’École de Droit, parachevait par des leçons particulières dans son étroit appartement de la rue Chanoinesse. À son sens, la femme manquait à la barre, près de l’enfant. Elle aurait voulu, non point huit ou dix jeunes filles stagiaires, mais cinquante, mais cent, prêtes à plaider d’office pour ses chers déshérités, et son cœur fécond enfantait véritablement des avocates maternelles, capables