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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/59

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d’être aussi bien que légistes, les tutrices morales de leurs jeunes clients.

Quand mademoiselle Angély rencontra au lycée Henriette Marcadieu, elle eut vite fait de la marquer du doigt avec cette autorité muette des prophètes qui choisissent un disciple. Elle canalisa les forces éparses de l’adolescente, lui montra ce but du barreau que son vieil esprit enthousiaste enveloppait d’une splendeur, et l’aiguilla, disciplinée, vers l’Ordre.

C’était alors qu’on avait connu la puissance de travail que recélait Henriette et comment une jeune intelligence idéaliste, encore stimulée par le désir d’arriver, peut s’assimiler les connaissances les plus arides. Elle avait dix-huit ans : elle buvait le code civil ; elle soupirait après l’École de Droit.

— Pourquoi tant travailler ? lui demanda sa mère, le jour où elle prétendit prendre sa première inscription. Te voilà aujourd’hui munie de ton baccalauréat ; ce fut pour toi un caprice d’enfant riche et gâtée ; tu ne vas pas maintenant compromettre ta santé par des études inutiles et épuisantes, comme ces pauvres filles forcées de gagner leur vie !

Henriette, l’air inspiré, les yeux ardents, riposta :

— Je suis forcée de gagner ma vie comme les autres ; je n’ai pas droit à la vie si je ne me mêle pas à l’activité du monde ; je dois servir au bien commun, m’y employer…