Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/60

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Le colloque avait lieu dans le grand salon des Marcadieu : on aurait dit l’une de ces scènes d’autrefois, où des filles en proie au mal dévorateur de la vocation revendiquaient près des parents récalcitrants le droit d’entrer en religion. Trois hautes fenêtres drapées de damas rouge donnaient sur la rue de Grenelle. La tapisserie des fauteuils Louis XIII s’harmonisait avec les tentures espagnoles des murailles, où l’on voyait de pâles visages de princesses brodés en laine décolorées. Et, plus blanche que les demoiselles des tapisseries, blême de passion contenue, la petite bachelière, dressée sur son siège héraldique d’abbesse, avouait ses rêves de femme nouvelle. Elle n’entendait pas être une oisive. une de ces filles insignifiantes qui pullulaient dans leur caste. Elle serait étudiante, puis avocate. D’abord, le droit lui plaisait parce qu’elle y trouvait l’exercice du sens le plus élevé de l’homme : le discernement, cette clairvoyance qui démêle le juste dans toutes les questions. Puis elle était attirée par la superbe indépendance de l’avocat, qui ne relève que de lui-même, tient tête aux tribunaux, et, selon une plume célèbre, ne « connaît ni maître ni esclave ».

Et il fallait entendre Henriette chanter sa profession de foi avec son exaltation que surexcitait dorénavant l’attrait d’un but. Madame Marcadieu, déroutée dans toutes ses opinions de mondaine, essaya d’abord de sourire. Il y avait un tel