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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/61

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contraste entre le fragile et charmant physique d’Henriette, et la vigueur de sa détermination enflammée ! Puis la mère s’alarma vite en comprenant les violences cachées de cette douce fillette ; elle laissa échapper ce cri :

— Que dira-t-on, dans notre monde, quand on saura que la fille du président Marcadieu court l’École de Droit dans la compagnie des étudiants ?

Madame Marcadieu était une blonde encore belle, d’une telle correction, que ses gestes faisaient loi dans ce qu’elle appelait, avec un sens de domination secrète, « notre monde ». Son salon était intéressant. Elle-même paraissait instruite, lisait beaucoup, jugeait tout. Elle avait été la compagne irréprochable du magistrat au profit duquel elle jouait un rôle représentatif, soit dans ses réceptions, soit dans celles des autres. Mais, entre le président, homme tranquille, pensif et froid, et cette sculpturale épouse qui recevait si brillamment, il n’y avait jamais eu d’autre intimité que celle née de la discussion des intérêts communs. L’intimité intellectuelle avec le mari opère souvent des transformations profondes chez la femme, là même où la vie de salon ne réclame que des qualités superficielles. M. Marcadieu ne s’était point avisé de faire fonction d’éducateur dans sa vie conjugale, et la mère d’Henriette, intelligente et bonne, mais absorbée par ses devoirs d’ostentation, n’avait jamais eu d’autre souci que de demeurer fidèle