Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/64

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Elle redressait la tête, et fièrement, avec le bel aveuglement de ses dix-neuf ans :

— La perpétuation de la famille ne me regarde pas ; je suis libre de ne pas me marier, si cela me chante. Je servirai l’humanité à ma manière, en me vouant à ses membres infirmes !

La musique ne l’intéressait plus, elle ne lisait plus les poètes, et ne sculptait plus en rêve des images de beauté, mais les harmonies de son âme délicieuse vibraient toujours, et, dans son cœur, une mélodie unique, remplaçant les airs fous d’autrefois.

Ses parents se concertèrent ; mais, comme ils n’avaient point coutume d’échanger leurs idées, ils ne s’entendirent point. Madame Marcadieu ne s’inquiétait que de l’opinion de leurs amis, son mari songeait à l’avenir de la personnalité morale d’Henriette. Le président s’attrista. Il respectait la volonté d’une telle jeune fille, ne se jugeait pas des droits suffisants pour l’écraser. Cependant, mille choses l’affligeaient : la liberté forcée que ces études allaient comporter, la vie à l’École de Droit, au Palais, les propos lâchés, les fréquentations garçonnières, le contraste de ces milieux avec l’éducation familiale. Et c’étaient aussi de plus lointaines, de plus alarmantes considérations : l’altération que peut subir le caractère d’une jeune fille quand celle-ci acquiert le sentiment de sa supériorité ; la perte de sa simplicité, de ses vertus féminines… Et le problème se