Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/65

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dressait insoluble devant le père : la femme peut-elle, sans préjudice pour sa vraie nature, faire le métier d’un homme ? Et, songeant à l’éventualité du mariage pour cette jeune savante, il tremblait.

D’abord, trouverait-elle un mari ? puis, l’ayant trouvé, saurait-elle le rendre heureux ? Alors, il pensait à son ménage, qui s’était tenu également éloigné des pénibles orages et des félicités romanesques. Il aimait fortement, après vingt ans de vie commune, la froide épouse à laquelle il ne pouvait reconnaître un défaut. Ces vingt années représentaient un long voyage fait à deux ; et, quand il regardait en arrière, il ne voyait pas une étape où sa compagne lui eût failli. Toujours elle avait été là, consacrant de sa présence les moindres actions de son mari, cérémonieuse et fidèle dans les plus petites choses, correcte en sa conscience autant qu’en ses toilettes. Cependant il vieillissait mélancolique, comme si quelque faim secrète fût demeurée en lui-même inassouvie. D’ailleurs, il ne se sentait point sans reproche. Jeune, des inquiétudes sentimentales l’avaient tourmenté. Par deux fois, souvenir importun aujourd’hui, il avait aimé hors du foyer. En eût-il été de même si madame Marcadieu lui avait assuré, avec la scrupuleuse observance du devoir, la fraternité d’une intelligence égale à la sienne, la communion absolue des esprits ?… Et il imaginait l’adorable femme que saurait être