Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/67

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petite robe grise d’Henriette au corsage étroit, aux manches gracieuses, disparaissait sous le porche de la Faculté.

On la retrouvait dans des corridors nus, dans les escaliers sombres de l’École, qui résonnaient du bruit de sa bottine. À l’amphithéâtre, elle était de ces élèves infatigablement assidus à qui le professeur en toge ou en veston s’adresse quand il fait un cours plus délicat. Sérieuse, appliquée, elle crayonnait avidement la leçon, pendant qu’à son esprit s’évoquaient toutes les hypothèses de la chicane, de la mauvaise foi humaine, où elle devait apprendre à se reconnaître. Les camarades la lorgnaient, plus occupés d’elle que des trois ou des quatre étrangères joufflues, au chapeau plat, aux larges mains rouges, faisant le gros dos sur leur cahier sale. La nuit venait ; les lampes s’allumaient sous les solives du plafond. Dans un bruit de classe qui se vide, Henriette ramassait vivement les papiers épars, sortait avec les autres. Le vent piquait ; le travail avait irrité le bel appétit de ses vingt ans ; quelquefois, par une fantaisie de fille élevée en plein luxe, elle entrait chez le boulanger du coin, et, pour attendre le fin dîner du soir, croquait un croissant d’un sou, tout chaud, qui sentait le four et la vraie vie d’étudiante.

Après le repas, à la lampe, elle cousait dans le grand salon aux tentures espagnoles, où résidaient ses parents. Elle disait que c’était là son heure