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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/68

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de rêve, et que toute son imagination était au bout de son fil. À la vérité, la jurisprudence et la procédure ne lui laissaient guère de loisir tout le jour. Ce fut au cours de ces soirées silencieuses qu’elle en vint à envisager véritablement son avenir. Plusieurs de ses amies s’étaient mariées : souvent la peur de vivre sans être jamais aimée la hantait. Son père et sa mère lisaient chacun le livre de son goût. Tout se taisait dans la pièce. Henriette souhaitait un mari qui la comprit et dont elle serait le meilleur ami. Il lui semblait qu’elle le rendrait très heureux, plus heureux que ne l’était son père. Pourquoi donc avait-elle repoussé l’idée du mariage ? Une fois avocate, passerait-elle plus de temps au Palais que sa mère à ses visites ? À penser que des petits enfants pourraient naître d’elle, elle tressaillait d’une joie mystérieuse.

Cependant chacun de ses événements marquait un succès : elle obtint la licence. Au Palais, où mademoiselle Angély la conduisait parfois, elle connut madame Martinal, qui faisait alors son stage. La jeune veuve nourrissait le dernier de ses enfants, tout en plaidant deux ou trois fois la semaine au criminel. Henriette n’emportait des audiences aucune image plus vive que celle de cette vaillante jeune femme qui devait, pour parler en public, vaincre le supplice de sa timidité, surmonter les lassitudes de son état de nourrice, et dont la hâte à quitter le Palais disait assez les