Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/72

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arpentait hâtivement les vieux quais de la rive gauche ; Henriette cheminait à ses côtés, pressant le pas. Par delà les peupliers des deux rives, la Sainte-Chapelle, de son aiguille dorée, orientait leur marche. Ils gravissaient le vaste perron blanc. de la place Dauphine que dominent les deux lions de pierre grise. Dans l’escalier qui mène à la cour, ils se séparaient. Le président continuait jusqu’à son cabinet, Henriette allait s’habiller au vestiaire.

Elle suivait les plaidoiries des anciens, écoutait Fabrezan-Castagnac au tribunal civil, Ternisien aux assises, Blondel dans ses affaires de divorce. Lamblin en correctionnelle. À quatre heures, elle rentrait chez elle, seule. Une actrice émérite lui donnait des leçons de diction. Elle apprit à lancer avec sonorité les voyelles sourdes, à élever la voix, à calculer son geste. Elle apprit encore, dans la lecture des « Causes célèbres », l’astuce de certaines manœuvres, la défiance à l’égard du client, la défiance à l’égard du juge, la défiance à l’égard de soi-même.

Le soir, elle accompagnait sa mère dans le monde. Elle y était un objet de curiosité. Elle dut cacher le jour de sa première plaidoirie : plus de cinquante dames se fussent rendues à l’audience. Elle n’y brilla point. Mademoiselle Angély, qui l’avait fait inscrire à l’Assistance judiciaire, lui avait obtenu, par la faveur d’un juge d’instruction intéressé à l’œuvre des Déshérités, la défense