Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle se redressa tout à coup, pensant tout haut :

— Concevez-vous que ce soit possible, Henriette ?… avoir fait un enfant de votre propre substance, l’avoir mis au monde dans la souffrance, l’avoir allaité, bercé, tenu entre vos bras comme s’il n’avait point cessé encore de faire un seul être avec vous ; avoir enfanté son esprit, sa petite âme, au point de retrouver vos mots dans sa bouche, vos sentiments dans les siens, vos gestes inconsciemment répétés par cette continuation de vous-même qui est lui, votre fils, et le voir pris par l’homme qui a empoisonné votre vie !… Il disparaît, il n’est plus à vous, il est à l’autre.

— Pauvre amie ! répétait Henriette, pauvre amie !

— Et n’est-il pas naturel que je haïsse cet homme, dites, comprenez-vous enfin que je le haïsse ?

— Haïr ne sert à rien, reprenait la douce Henriette, mais vous êtes tellement irréprochable que je vois tous les droits pour vous. Vous garderez votre petit pour peu que vous soyez défendue par quelqu’un d’intelligent qui fasse vraiment la lumière sur le procès. Avez-vous choisi votre avocat ?

— Oui, dit Suzanne fermement

— Et c’est ?

— C’est vous.