Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/83

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Henriette se sentit rougir d’émotion, de joie secrète. Elle répéta, comme incrédule :

— C’est moi ?

Puis, se ressaisissant :

— Vous me confieriez une cause si grave, une cause où il y va de votre bonheur, Suzanne ?… Mais est-ce que j’ai le talent qu’il faut, ai-je l’âge, l’autorité ?… Est-ce que je compte assez aux yeux des juges ?…

Madame Marty s’expliqua lentement :

— Il faut que cette cause soit plaidée par une femme. J’ai été trop opprimée par l’homme : un homme m’a trahie, abreuvée de chagrin ; il voulait, après, me dominer encore ; je me suis évadée, et voici qu’il revient pour m’arracher mon enfant, et c’est à un autre homme que je remettrais le soin de ma défense ? Non, non : ils s’entendent tous ; ils ont entre eux une solidarité occulte pour nous asservir… Tandis que vous, ma petite Henriette, vous serez une autre moi-même, c’est ma propre voix que vous ferez entendre à la barre, parce que vous, femme, mère, à la veille d’être séparée de votre petit, vous sauriez trouver les mots qui crieraient non pas votre douleur, mais votre droit.

Elle tremblait en parlant. Sa voix s’étranglait. Elle reprit :

— Je sais ce que je fais. J’ai lu en vous, ma petite amie, mieux que vous n’y avez lu vous-même. Vous avez plaidé hier à la huitième