Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/100

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Nicolas Houchemagne avait épousé Jeanne de Cléden dans l’austère petite église de Sibiril, trois mois après leurs étranges fiançailles du Louvre. Puis, ayant passé de longues semaines dans le château féodal du beau-père, ils étaient partis pour cette Italie après laquelle, depuis sa jeunesse, Nicolas avait toujours soupiré, sans que sa pauvreté lui eût jamais permis de réaliser son rêve. Et là-bas, il avait trouvé une si pleine satisfaction de tous ses désirs d’artiste, que, depuis dix-huit mois, ils y étaient demeurés tous deux, extasiés, ivres de beauté, écrivant des lettres exaltées, allant d’un hôtel à l’autre, insoucieux de bâtir enfin leur foyer, se suffisant l’un à l’autre, se créant partout leur cher isolement. On était curieux de les voir revenir, de savoir comment s’aimaient ces deux beaux êtres, de connaître quel effet aurait, sur le talent d’Houchemagne, l’influence d’une inspiratrice comme Jeanne, d’autant qu’il se flattait de n’avoir pas, depuis deux ans, touché un pinceau, de rester oisif, contemplatif.

Pierre Fontœuvre, souriant dans sa barbe noire, disait à sa femme :

— Ce sacré Houchemagne ! Veux-tu le parier ? maintenant qu’il est riche, il ne fichera plus un coup de brosse !

Mais Jenny, bien plus fine, et qui avait mieux compris le tempérament de Nicolas, répondait :

— Laisse faire. Il travaille avec ses yeux. Il ne perd pas son temps. Je l’attends au retour.