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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/102

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vivement son amie, ou le modèle va s’enrhumer. Crois-tu qu’il ait chaud dans cet appareil ? Si tu étais à sa place, nous verrions bien…

Marcelle ne répondit rien, n’eut pas un sourire. Elle était cramoisie et, très grave, ferma la porte ; puis alla s’asseoir sur un escabeau du temps de Charlemagne, tournant ainsi le dos à Nelly.

Au premier signe de lassitude que donna le petit modèle, l’artiste le congédia. Il bondit à terre ; ses pieds nus firent un bruit mou sur le tapis ; en deux sauts, ses longues jambes grêles de petit dieu sylvestre eurent gagné le coin où gisaient ses habits. Marcelle eut un regard involontaire de ce côté ; elle vit une échine ployée, dorée et maigre, où les vertèbres et les omoplates faisaient saillie ; le corps prenait appui sur un seul pied dont on apercevait la cheville fine, l’autre jambe balançait en l’air, le genou dessinant un angle, tandis que, d’une chaussette ployée en bonnet, l’enfant se coiffait les orteils.

La petite fille, les lèvres serrées de mépris, détourna la tête.

Maintenant mademoiselle Darche arrivait dans sa blouse rouge, la prenait dans ses bras, baisait ses cheveux avec une tendresse étourdie de vieille fille qui n’aurait jamais aimé. Puis elle sonna pour commander qu’on allât chercher des gâteaux, des fruits confits. Quand le modèle rhabillé fut parti, elle emmena Marcelle dans sa chambre qui était une grande pièce empire, meublée avec un luxe