Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/118

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lampe à pétrole qui ne répandait dans l’atelier démesuré qu’une lueur de lanterne, et on la promena de toile en toile. Un à un les visages peints par Blanche Arnaud, les petits intérieurs de miss Spring, apparaissaient sous un reflet de lumière, et tout s’animait d’une vie étrange. Il y eut surtout le dernier portrait de mademoiselle Arnaud qui arracha une exclamation à Houchemagne : une femme à bandeaux gris, en robe noire, d’une tristesse poignante.

— N’est-ce pas, elle vous rend nerveux ? dit miss Spring ; elle est trop bien, trop bien ; chère créature ! voyez comme elle est triste ; elle venait de perdre son enfant. Oh ! dear ! qu’elle pleurait souvent en posant ! N’est-ce pas que toute sa maternité désolée, Arnaud l’a mise là ? Oh ! moi, je ne peux pas, je ne peux la regarder.

— Vous devriez être connue du monde entier, mademoiselle Arnaud, dit Houchemagne, mélancolique.

— Bah ! je ne me plains pas, fit-elle, résignée ; il est dur de payer son terme en effet ; mais j’ai tant de joie dans mon art !

C’étaient Marthe et Marie ; car Blanche Arnaud, après avoir dit cela, courut à la théière, procéda à la première infusion, et pendant qu’un parfum se répandait, on l’entendait essuyer des tasses. Mais miss Spring avait fait asseoir les jeunes gens et s’entretenait avec Nicolas de son voyage, de ses projets.