Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/124

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une position indépendante et agréable, ou choisis-tu d’être cocher de fiacre ?

— Je m’en moque, répondit François.

Il n’y eut pas autre chose à en tirer. Pourtant le père se flatta d’avoir agi habilement en s’adressant à cette raison enfantine. Le fait était qu’une indifférence, une apathie envahissante éteignaient les énergies de ce petit garçon. Seul, son esprit très développé était en travail constant, mais avec une spécialisation maladive l’analyse de tous ses efforts, de leurs conséquences et aussi de leurs mobiles. Il ne commençait pas un devoir que cette tournure d’esprit ne lui suggérât l’interrogation : « Pourquoi vais-je le faire ? Qu’est-ce que cela me donnera ? Cela vaut-il la peine ? » Il aurait aimé faire montre de ces tendances à philosopher, s’en ouvrir à quelque grande personne qui s’y serait intéressée. Mais il se sentait trop petit. D’ailleurs, il n’aurait jamais su exprimer ce qui était le plus souvent une opération instinctive de son intelligence, se résolvant en impressions. vagues, non formulées par des mots. C’étaient encore les limbes intellectuels de la douzième année.

Il n’aimait pas lire. À quoi bon jouer ? Se promener dans les rues n’était pas intéressant. Pendant les vacances, Marcelle et lui traînèrent dans l’atelier, somnolant au fond des fauteuils, sautant à cloche-pied autour des colonnes du Parthénon, échangeant parfois des questions que leur curiosité de la vie leur mettait aux lèvres.