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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/141

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Voyez, ma petite Fontœuvre, et mettez une brosse là dedans si vous pouvez. Bon sang ! n’est-ce pas triste à mon âge ! Je n’ai que soixante-douze ans, après tout, et je ne me suis jamais senti tant d’idées ; oui, des idées à garnir de fresques les murs de Notre-Dame !

Elle avait beau faire la brave, des larmes lui montaient aux yeux quand elle songeait à son oisiveté. Elle avait toujours d’énormes besoins. d’argent, et la comtesse Oliviera, dont elle commençait à s’avouer la mère, et qu’elle voyait ouvertement, était à la veille de divorcer et de se trouver peut-être sans ressources. Puis, elle avait aimé son métier avec passion, avec folie. Elle avait peint ses fleurs, ses fruits, ses Amours, ses fraîches figures de jeunesse, comme d’autres femmes brodent toute leur vie, dans une délectation, d’éternelles bandes de dentelle ; et la retraite pour elle était la déchéance finale.

Mais à peine avait-elle parlé que le petit Vaupalier, légèrement persifleur, releva sa phrase :

— Des fresques pour Notre-Dame : il faut laisser ce genre de composition à monsieur Houchemagne, mademoiselle.

Jeanne était si belle, si délicieuse, qu’on lui pardonnait son luxe ; et l’on trouvait charmant ce dîner à la bonne franquette, où l’on n’avait rien ménagé, mais où les mets restaient parfaitement simples. Madame Houchemagne, au moins, n’écrasait personne de sa grosse fortune, et on lui