Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/142

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en savait secrètement gré. D’ailleurs, elle attribuait beaucoup moins d’importance au repas qu’aux propos qui s’échangeaient alors à table ; et pour mieux tendre l’oreille, elle avait si complètement délaissé la surveillance du service, que madame Fontœuvre, obligeamment, s’était mise à guider de signes les faits et gestes du jeune valet de chambre. Nugues et Vaupalier commençaient à défendre leur idée réaliste de l’art. C’était bête de vouloir définir avec des mots la Beauté ; avait la beauté de la belle marmite et celle de la belle fille. Tout était beau, que diable ! une loque séchant au soleil et tordue par le vent, l’étal d’un boucher avec ses bêtes saignantes, la rue charriant la vie. Tout était digne de remarque, le moindre mouvement, la moindre ligne. Et ils accumulaient à plaisir tous les axiomes de l’école naturaliste pour pousser à bout Nicolas qui maintenant se taisait, occupé de ses deux vieilles voisines, madame Trousseline et Juliette Angeloup. Quand on fut au dessert, comme s’il avait répugné à prendre la parole et ne s’y fût décidé que malgré lui, Houchemagne commença de répondre à Nugues :

— Non, tout n’est pas beau, de même que tout n’est pas bien. Vous voulez peut-être dire que tout peut être matière à peinture ; et en effet, il est intéressant pour le praticien de s’exercer à reproduire toutes les manifestations de la vie, de même qu’il doit étudier l’anatomie, décomposer