Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/144

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aimables, empoignés par toutes les nouveautés, le considéraient avec un intérêt sympathique, comme un prophète de théâtre, un personnage romanesque. Addeghem n’aurait pas détesté que, pour prêcher ses nouvelles théories, il s’affublat d’une robe blanche et se fit un physique inspiré ; néanmoins, tel quel, il séduisait son monde, quoique tout à fait naturel. Il s’interrompit pour offrir des fruits à madame Trousseline qui l’écoutait, les yeux baignés de reconnaissance et d’émoi, et il reprit :

— J’ai eu longtemps l’idée, étant jeune homme, que l’art devrait être exclusivement pratiqué par des moines ; des hommes pliés à une règle sévère, retirés eux-mêmes des laideurs de la vie, travaillant dans une chasteté absolue, l’esprit sans cesse excité par un idéal immatériel. Ne riez pas, mademoiselle Darche ; mon idée n’était pas absurde, et je vous assure qu’elle se défendrait fort bien. Cette confrérie, ces ascètes de l’esthétisme auraient conçu, du fait de leur existence monacale, des formes plus naïves, plus pures, et de regarder ces formes aurait ennobli et purifié le peuple ; car il est habituel à l’homme de se conformer aux images qui l’entourent.

— Mais, sapristi, il me semble que vous ne l’avez pas fondée, votre confrérie ! ne put se retenir de crier la vieille Angeloup.

Houchemagne sourit :

— Non, je me trompais ; pas de moines… Il