Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/146

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ivres de plaisir ; et, comme le remarqua le peintre, ils se penchaient d’abord un peu, puis se renversaient en arrière, voluptueusement, comme une femme qui rit et découvre sa gorge. Nelly Darche appela Jenny Fontœuvre pour lui redire le mot de Vaupalier. Madame Vaupalier, qui adorait le café, s’était assise, la tasse à la main, et savourait le breuvage à petits coups, gourmande, les yeux perdus dans le vágue. Juliette Angeloup s’était laissée tomber de tout le poids de sa grosse personne dans une bergère, et fumait des cigarettes au coin de la cheminée. Parfois elle crachait dans le foyer. Et pendant que Nugues et Fontœuvre discutaient à voix basse dans l’embrasure de la seconde fenêtre, démolissant après coup les idées saugrenues d’Houchemagne, Jeanne appela son mari pour lui montrer miss Spring et Blanche Arnaud tristement assises à l’écart. Personne ne leur disait rien. Avec leurs robes démodées, les cheveux filasse de l’une, les cheveux grisonnants de l’autre, leurs mains croisées sur leurs genoux, elles avaient ce soir l’air lamentable de leurs vies manquées. Lorsque Nicolas se fut approché, il leur vit des larmes dans les yeux. Ce fut Blanche Arnaud qui prit la parole :

— Cher monsieur Houchemagne, nous avons du chagrin. Nous avons été très frappées par ce que vous venez de dire à table, et nous voyons bien que nous n’avons rien fait de bon jusqu’ici,