Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/147

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que vous devez nous mépriser ; oui, vous nous méprisez…

Et miss Spring :

— Oh ! vous avez si bien dit : « On ne sera vraiment artiste qu’à la condition d’aller chercher ses sources dans ce qu’il y a de plus grand, de plus pur, de plus capable d’émouvoir. » Oh ! dear, c’est si vrai, c’est une doctrine si salutaire, si haute, et moi qui, toute ma vie, n’ai peint que de pauvres petites toiles, des petites chambres, des petites cuisines, rien d’élevé, rien de pur !…

Dans chacune des siennes, Nicolas prit une de leurs mains, et s’asseyant près d’elle :

— Je vous admire, au contraire, je voudrais me mettre à genoux devant vous, parce que seules ici, entendez-vous, seules vous avez su ce qu’était l’art : une partie de son âme, avec tout ce qu’elle a de divin et d’humain, qu’on exprime et qu’on donne. Chère miss Spring, vous avez eu le suprême talent de mettre un poème silencieux dans chacun de vos petits tableaux d’intérieur ; ce n’est point votre habileté à peindre les planchers cirés, les chaises de paille ou de satin, l’étoffe d’un lit défait, qui marque votre génie. Ceci est votre métier, qui est parfait, et ce n’est pas le dernier charme de votre œuvre. Mais ce qui étreint le cœur, quand on médite devant vos toiles, c’est autre chose de mystérieux, le passage des vies humaines qui viennent de disparaître, leur histoire, leurs habitudes, leurs passions, leurs