Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/150

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alors que, du moindre artisan jusqu’aux peintres des rois, tous travaillaient le front dans l’idéal, baigné des radieuses visions religieuses. C’était l’époque des cathédrales, Jeanne ; est-ce que nous ne referons plus jamais de cathédrales, plus jamais ?…

Un sanglot lui sortit de la poitrine. Il était pris d’une tristesse déchirante en imaginant la laideur matérialiste répandue comme un voile noir, pesant, étouffant, sur le peuple de France ; il regrettait aussi, dans sa passion de beauté, les divines manifestations artistiques d’un temps qui ne devait plus se répéter.

— Ce que je donnerais, répétait-il tout bas, pour savoir qu’il nous naîtra un génie, un génie capable de nous enseigner ! Oui, je perdrais volontiers tout talent, je consentirais à ne plus peindre que des paravents, à être méconnu, ignoré, impuissant, pourvu qu’un autre vienne, ou que Léonard revienne et que l’art refleurisse !

De nouveau Jeanne vint à lui, prit sa main :

— Ce sera toi qui viendras.

Et comme elle le voyait dans une heure d’abattement, pareille à celles qu’il subissait si fréquemment à cette époque, elle alla prendre, parmi les livres qu’elle et Nicolas aimaient, La Légende dorée de Jacques de Voragine, et, l’ayant ouverte, elle se mit à lire d’une voix berçante…