Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/156

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bulletin quand il était arrivé. Pierre exposait un bœuf, tout simplement ; Jenny, le portrait de la jeune comtesse Oliviera qui, après son divorce, était revenue chez Juliette Angeloup. C’était une belle grasse de vingt-quatre ans, aux formes de Mauresque, dont la petite Fontœuvre avait tiré un joli parti.

Ce fut au vernissage de ce Salon que Nicolas Houchemagne dévoila au public et aux confrères sa Sainte Agnès. Jeanne n’avait pas commis une indiscrétion ; lui ne s’était jamais confié à aucun ami ; personne ne connaissait, même par supposition, le sujet de son tableau. Et un tel mystère avait enveloppé pendant dix-huit mois la genèse de cette œuvre, que Vaupalier, Nugues et même Fontœuvre assuraient carrément qu’Houchemagne ne faisait rien du tout.

Mais aujourd’hui il les démentait avec son énorme composition : Sainte Agnès recevant l’aveu du fils du préfet de Rome, un des plus gros morceaux des « Artistes français ». Dès une heure, Addeghem arriva, cherchant le tableau de salle en salle, inattentif à tout le reste, pris d’une véritable anxiété à l’idée que peut-être, Houchemagne le décevrait. Sa vue baissait, il déchiffrait péniblement sur le catalogue, les numéros des toiles. C’était le moment des déjeuners parisiens ; les salles étaient désertes, quand deux femmes affublées de cache-poussière gris vinrent à lui dans un empressement fiévreux.