Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/158

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qu’on devinait vibrant de désir, s’arrêtait pétrifié par la réponse qu’il entendait sortir de ces lèvres suaves. Cette réponse, le spectateur l’entendait presque, tant la vierge, tranquille en son immobilité hiératique, exprimait par tout son être la Parole. Ses lèvres, pour un peu auraient bougé. Et au bas de la toile, Houchemagne avait fait écrire cette légende :

À treize ans, elle fut aimée par le fils du Préfet de Rome qui la voulut en mariage ; mais elle lui répondit : « Depuis longtemps je suis fiancée à un époux céleste et invisible. Mon cœur est tout à lui ; je lui serai fidèle jusqu’à la mort. En l’aimant je suis chaste ; en l’approchant je suis pure ; en le possédant, je suis vierge. Celui de qui je suis la fiancée est le Christ que servent les Anges. »

En parlant, elle regardait, avec des yeux de petite fille, qui ne connaît aucun trouble, l’homme qui l’aimait. Elle souriait presque. Mais lui, ravagé par l’amour, et qui, ayant d’un seul coup la révélation d’un monde inconnu, comprenait soudain à quel point cette proie convoitée était inaccessible, représentait vraiment le désespoir humain. Et cette douleur, il ne l’exprimait pas en gestes ; à peine une petite flexion des larges épaules indiquait-elle l’accablement physique de la souffrance morale. Il ne bronchait pas, écoutant stoïquement sa sentence ; mais dans le profil de cet homme on voyait l’étonnement produit par la douleur, et dans tout son corps quelque chose