Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/163

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fois sans amertume, avec un sentiment d’admiration, presque de surprise :

— A-t-il de la chance, ce Nicolas !

Vers cette époque, Marcelle commença d’avoir des velléités de dessiner. Mais une défiance d’elle-même et la crainte d’être critiquée l’empêchèrent d’en parler à personne. Elle profita d’une absence de sa mère pour copier un tableau de fleurs. Elle fit aussi de petits croquis à la plume, auxquels elle s’appliquait, le soir, dans sa chambrette, à la lampe. Un jour qu’elle avait réussi mieux que de coutume un de ses dessins, elle prit son courage à deux mains et vint à l’atelier où madame Fontœuvre travaillait d’après une petite Anglaise rencontrée dans la rue et qui l’avait enthousiasmée. Marcelle regardait sa mère ; la vocation artistique l’envahissait à cette époque comme un mal sacré qui la faisait souffrir, qui la soulevait au-dessus d’elle-même. La vue de la palette, des couleurs écrasées lui était une volupté, l’aspect du faisceau de brosses lui faisait courir des fourmillements dans les doigts. Il lui semblait que, prenant à cette minute la place de Jenny, elle aurait, sans effort, sans travail, fait un tableau charmant de la petite Anglaise aux cheveux de paille.

Après la séance, elle prononça, la gorge serrée :

— Maman… maman… je voudrais te dire…

Et elle tenait son croquis roulé dans sa main qui tremblait.

Mais madame Fontœuvre n’entendait pas.