Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/164

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Revenue à son chevalet après le départ du modèle, elle s’absorbait dans l’examen de son ébauche, étalant du pouce une épaisseur, voyant bien moins la toile peinte que l’image abstraite qu’elle portait en elle.

— Maman, regarde, j’ai dessiné…

— Laisse-moi tranquille, Marcelle, dit-elle avec un mouvement d’humeur, tu vois bien que je suis en plein travail.

La petite fille pâlit, froissa son papier, le jeta dans la cheminée. Elle était affreusement offensée, comme si son mouvement d’abandon, si fugitif, eût été une extraordinaire preuve de confiance et que sa mère l’eût repoussée consciemment. Elle résolut de renoncer à l’art. Et, pendant quelques mois en effet, elle tint bon, se retenant de crayonner, travaillant double au cours avec l’idée de se faire, un jour, institutrice.

Mais le mal sacré la possédait déjà trop fortement. Elle ne rêvait que de peindre, voyait en imagination de belles toiles signées Marcelle Fontœuvre. La poésie des choses commençait à agir sur elle : son goût naissait, et il lui venait cette mentalité des artistes qui n’envisagent les formes, les lignes, les couleurs qu’au point de vue des tableaux possibles. D’ailleurs, la vocation s’exerçait sur elle par mille appels dans le milieu où elle vivait les conversations, les spectacles, tout ce qui lui était familier accroissait sa fièvre. Et il n’était pas jusqu’au bruit de la gloire d’Houche-