Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/165

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magne qui ne vint l’exalter encore. Nicolas devenait « le grand peintre », celui qu’une revue étrangère avait appelé le rénovateur de l’école française. Sa peinture avait en effet un caractère national qui éclata particulièrement dans son second Salon, où il exposa un Saint-Louis marquant sa manière définitive. Une de ses théories était que l’artiste doit se conformer le plus possible au génie de sa race, et s’efforcer de faire de sa pensée le prolongement de l’idée de ses pères. Pour cette raison, il s’était attaché à cette délicieuse figure de saint Louis, dont il avait fait tout un chapitre d’histoire de France. C’était un portrait de grande beauté, où il avait réussi à mettre toute la bonhomie, la jovialité délicate, la prodigieuse intelligence en même temps que la majesté religieuse du plus français de nos rois. Si l’année précédente il avait consenti à vendre dix mille francs à un Chilien sa Sainte Agnès, cette fois il refusa les offres d’un Américain qui voulut acquérir son Saint Louis. Sa marotte, disait-il, était que, tant qu’il vivrait, cette œuvre-là restât en France, ayant été peinte pour des Français. Il l’offrit à Jeanne.

Il n’avait pas trente-quatre ans, et déjà une troupe de disciples gravitait autour de lui. C’était un maître. Des littérateurs, dans les revues, écrivaient des articles sur sa doctrine. On commençait à dire de tel ou tel jeune artiste : c’est un élève de l’école d’Houchemagne. Et le poids de ses succès ne l’écrasait pas ; il semblait plutôt