Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/166

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l’ignorer, demeurait entièrement naturel et simple. Son unique singularité était son obstination à clore, pour tout le monde, son atelier. Jeanne était, avec les modèles, la seule personne qu’il y admit. C’était un fait acquis : nul ne réclamait plus, quelque curiosité qu’on eût.

C’est aux rayons de cette gloire que s’embrasa définitivement l’enthousiasme de Marcelle. Lorsque cousine Jeanne et son mari venaient dîner et passer la soirée quai Malaquais, elle écoutait Nicolas qui parlait des heures entières sur la Beauté, sur l’esthétique, sur le choix des formes, sur la peinture intellectuelle. Ces théories l’enflammaient. Celles de Nugues et de Fontœuvre, qui clamaient leur réalisme, lui plaisaient autant. Tout lui semblait vrai, la séduisait, et pourtant elle souffrait de cette difficulté à se déterminer pour l’une ou pour l’autre école. Elle passait des heures dans le magasin des Dodelaud à étudier l’art décoratif ancien. Là elle comprenait mieux ce que soutenait Nicolas, c’est-à-dire que, du peuple religieux, fussent sortis une foule d’artisans inspirés. Et dans le bric-à-brac opulent des marchands d’antiquités, elle contemplait les broderies merveilleuses des chasubles, les ciselures exquises des orfèvreries, la grâce des reliquaires gothiques, la naïveté consolante des vierges de bois, aux mains tendues, au visage de douceur. Un jour elle dessina l’une d’elles. Mais Nelly Darche l’ayant amenée peu après au musée du Luxembourg où