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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/172

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toiles flambantes de la coloriste vigoureuse qu’était la grande Darche. Il y avait au chevalet un portrait commencé une femme en robe verte qui portait sur sa gorge nue une rose géante et écarlate. Marcelle restait bouche béante devant cette audace. Elle voulait peindre comme Darche, insouciante des sujets, préoccupée seulement jusqu’à l’obsession, jusqu’à la folie, de la lumière, de la couleur ; et, comme elle regardait cette toile, son cœur se mit à battre de désir. Au même instant, une portière se souleva et Nelly en peignoir, la figure cachée dans ses mains, vint à elle, disant dans un sanglot :

— C’est toi, ma petite Marcelle !

Et l’artiste s’abattit sur le canapé, s’y roula, le visage dans les coussins.

— Je suis seule à présent, Marcelle, je suis toute seule !

La tête enfouie dans son coude plié, les cheveux défaits, Nelly Darche pleurait comme une petite fille. Ce fut seulement après cette explosion de douleur qu’elle s’expliqua.

— Oh ! ma chérie ! C’est Fabien qui m’a fait cette peine. Peux-tu comprendre ? Il est marié ; il s’est marié hier, il ne veut plus me revoir, lui, lui, Fabien, mon Fabien, le seul homme que j’aie vraiment aimé !

Marcelle l’écoutait, tremblante, mais les yeux secs, ne trouvant pas une phrase consolatrice. Et Nelly, malgré sa désolation, éprouvait une