Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/19

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tentement indéniable éclatait sur son large visage couperosé. Elle attendait cette démarche ; elle la désirait, grillant d’obliger ses maîtres, ce qui était aujourd’hui la suprême satisfaction de sa vanité peuple, cette vanité qu’avait exaltée jadis dans les ateliers célèbres sa réputation de belle fille superbement plantée. Elle savait d’ailleurs ne rien perdre, étant comblée par les Fontœuvre dès que ceux-ci vendaient une toile.

— Comme madame voudra, déclara-t-elle enfin, noblement.

— Brigitte, vous n’êtes pas une domestique ordinaire, murmura madame Fontœuvre, émue aux larmes.

— Monsieur et madame, c’est tout pour moi, répondit-elle, encore beaucoup plus attendrie que sa maîtresse.

Dès lors, tout souci ôté, Jenny Fontœuvre recouvra sa gaieté d’oiseau et revint à l’atelier, où son mari et Addeghem passaient la revue des toiles.

L’atelier, énorme, prenait jour sur une cour du quai Malaquais. C’était le gros morceau du logement, le sacrifice, la folie qui coûtait aux Fontœuvre cinq cents francs à chaque terme, alors que le reste de l’appartement se composait de petites pièces sombres, basses, étriquées, où, l’hiver, la lampe brûlait souvent du matin au soir. Des taches tendres, rose clair, bleu céleste, plaquaient la muraille au-dessus du linteau des portes. C’étaient des panneaux de fleurs peints