Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ripailles bretonnes, les veillées au cidre et aux châtaignes. Madame Fontœuvre, oubliant tous ses soucis, se déridait à son tour. Elle traversait cependant une époque difficile. Le matin, on avait reçu du papier timbré. Heureusement, on ne pensait pas à cela à cette heure. Le punch flambait, une joie d’écolier, une joie d’étudiants en vacances gagnait tout le monde ; seule, Marcelle gardait son flegme. Assise à la place d’honneur, si grande qu’elle semblait juchée sur une sellette, elle observait froidement la gaieté des convives, celle d’Houchemagne en particulier, plus débordante, plus puérile que les autres. Il s’amusait d’un rien, d’une cuillère tombée, de Juliette Angeloup qui, tout à fait exaltée, suspendait son ruban rouge au-dessus du verre de Marcelle ; Jeanne le regardait avec un sourire d’admiration. Mais la rigide Marcelle se scandalisait de cette bonne humeur. Puis elle pensa tout à coup au chagrin de Nelly Darche, et aussitôt un attendrissement lui vint d’évoquer ce désespoir au milieu d’une telle folie joyeuse. Elle sentit des larmes lui perler aux paupières, et fit un effort surhumain pour les retenir. Puis elle éprouva le besoin de parler de l’événement. Elle dit à sa mère :

— J’ai vu Nelly : elle est bien malheureuse. Fabien l’a lâchée pour se marier.

Ce fut une stupeur. La liaison de l’artiste n’était un secret pour personne ici ; on était consterné ;