Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/182

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on se révoltait comme si cette union eût dû être éternelle.

— Pauvre mademoiselle Darche ! soupira madame Houchemagne très émue.

— J’irai la voir dès demain matin, dit Jenny Fontœuvre.

Chacun se lamentait, comme on se lamente sur un veuvage dans le monde bourgeois. La comtesse Oliviera dit à François :

— Mon petit, les hommes sont tous les mêmes.

Pour Addeghem, il s’était lancé dans un dithyrambe enflammé sur la peinture de Nelly Darche. Quelle fécondité ! quelle richesse d’idée ! que de trouvailles ! Télémaque parmi les nymphes de Calypso, pouvait-on rien voir de plus amoureux, de plus riche, de plus luxuriant ? Oh ! ce paysage mythologique où les lianes retombaient à terre comme des fontaines multicolores ! Darche, c’était un tempérament. Et d’un air inspiré il rejetait en arrière ses boucles blanches, prenait un ton tragique, vaticinait sourdement, un doigt tendu vers Marcelle :

— Comme tu le seras toi-même, mon enfant !

— Moi, disait le père, je veux lui inculquer l’amour de la vie, qu’elle sente la beauté de tout ce qui bouge, de tout ce qui se meut, de tout le grouillement humain. Je lui montrerai la rue, les Halles, avec leur abondance, le fourmillement des Grands Magasins, la fièvre de la Bourse, le Palais et sa foule un jour de grand procès ; tout, tout,