Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/189

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passaient hiératiquement avec une préoccupation touchante de la beauté, qu’elles fussent ruskiniennes ou modern-style. Mais Marcelle avait toujours son allure de grande pensionnaire, qui lui donnait l’air d’une intruse dans ce milieu. À l’atelier, quand toutes les élèves s’uniformisaient dans la blouse, les coiffures savantes sauvegardaient encore les originalités personnelles. Ces chevelures noires ou blondes, celles où s’entremêlaient des velours, de l’or, de l’argent, des broderies, celles qui gardaient une simplicité virginale et voulue, celles qui découvraient des nuques blanches et fines, celles qui se tordaient lourdement sur un beau cou charnu, émergeaient de ce moutonnement des dos blancs à fronces serrées. Là encore la petite tête fine de Marcelle se faisait remarquer par quelque chose de puéril, un aspect d’écolière.

Seldermeyer, le patron qui aimait assez pronostiquer à l’égard des nouvelles venues, qui disait volontiers à la Russe, voisine de Marcelle, ou à la Niçoise au ruban cerise : « Vous avez un tempérament certain ; vous serez une coloriste », restait perplexe et triste même devant les froides études de la petite Fontœuvre. « Encore une ratée de l’avenir ! » pensait-il sans doute. Et elle ne se rebutait pas, ne se distrayait jamais du modèle. Ses brosses, sur sa palette, faisaient un gâchis multicolore. Son application ne se relâchait jamais. Et la ruche pouvait bourdonner autour