Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/190

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d’elle ce qu’elle écoutait en elle-même, c’étaient toutes les théories de procédés qu’elle avait entendu clamer chez ses parents par Nugues, Vaupalier, Juliette Angeloup, Nelly Darche : les taches, les points, l’empâtement, le clair-obscur, les complémentaires, les oppositions. Et à cela se mêlait la vieille méthode de Seldermeyer qui parlait un autre langage. Et ce n’était pas tout encore, car en outre de ces incertitudes sur la pratique même du métier, qui la laissaient affolée devant sa toile, elle souffrait encore de la formation de son goût artistique qui se développait alors péniblement.

Que fallait-il admirer, aimer, imiter ? Souvent, avant la fin de la séance, elle se lavait prestement les mains, ôtait sa blouse, piquait dans ses cheveux les épingles de son canotier, et filait par la rue Bonaparte.

Là, elle flânait de boutique en boutique, à toutes les devantures des marchands d’estampes. Tous les chefs-d’œuvre de la peinture universelle défilaient alors devant ses yeux en reproductions photographiques. C’étaient toujours les mêmes. La Joconde, une Vierge de Botticelli, la Femme au manchon de Gainsborough, Madame Vigée-Lebrun et sa fille, la Source d’Ingres. C’était un ensemble obsédant, qui la magnétisait. La Joconde surtout, qui la suivait sans cesse de ses yeux obliques, la troublait. Elle préférait, à cette tranquillité de l’œuvre parfaite, la peinture tourmentée et heurtée