Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/192

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flamme brûlait Marcelle ; aucun doute, aucune incertitude ne gâtait sa joie. Ses yeux se remplissaient de ces nobles formes : l’esthétique sacrée de l’anatomie humaine l’enivrait. Elle aurait voulu dessiner tout à la fois ; elle allait d’une statue à l’autre, hésitante, pleine d’une convoitise, rêvant de reprendre à son compte l’œuvre en la copiant. Finalement, elle s’arrêtait devant la petite Venus genitrix, si chaste…

Et elle sortait de là exaltée, le cerveau en feu, frémissante.

À la maison, les mêmes conversations l’attendaient toujours ; elle les sentait retomber sur son enthousiasme comme de l’eau sur des flammes. Madame Fontœuvre avait des ennuis d’argent. Cousine Jeanne avait encore prêté cinq louis. François s’était présenté comme secrétaire chez un député, mais la place était déjà prise. Le père aurait voulu organiser une exposition de ses animaux chez Vaugon-Denis, et les obstacles surgissaient les frais, trop élevés pour sa bourse ; le peu de goût que les fils Vaugon-Denis, successeurs du vieux marchand de tableaux, montraient pour le genre animalier. Les nerfs de Marcelle, tendus par l’exaltation, grinçaient sous le choc de ces difficultés domestiques. Excédée de tous ces déboires, elle quittait la salle à manger en claquant les portes et venait s’enfermer dans le petit cabinet qui lui servait de chambre. Là, elle restait à la fenêtre, à épier la lune comme autrefois.