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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/197

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gination humaine, le pauvre homme si doux et si pur qui parlait aux petits oiseaux. Et je vous défie de trouver un trait plus vrai que celui-là pour le faire concevoir.

Marcelle baissait la tête. Ils avaient dépassé le magasin des Dodelaud et marchaient, sous les arbres, contre le parapet, frôlant les boîtes closes des bouquinistes. La nuit ne se décidait pas à tomber, et dans ce crépuscule, la façade du Louvre, de l’autre côté de l’eau, paraissait s’allonger interminablement avec ses colonnes cannelées, ses nobles frontons cintrés ou triangulaires, alternés, ses toits composites.

Nicolas continuait :

— Voyez au contraire comme le matérialisme est faux en vous réduisant aux apparences ! Tenez, regardez venir cette pauvre vieille femme sordide qui s’avance. Un naturaliste la prendra telle quelle, avec ses yeux bordés de rouge, sa bouche déformée, son visage ravagé par quelque attaque de paralysie. Mais l’idéaliste se rappellera sa jeunesse, sa vie féconde, ses maternités, ses luttes pour ses petits, ses efforts, ses deuils, ses déchirements, ses privations, sa mort prochaine ; et il en fera un être où vibre tout ce qui est humain, tout ce qui est amour, dévouement, tendresse, douleur, dans un cœur de vieille femme. Or, dites-moi, lequel aura fait le portrait le plus fidèle ?

Il s’arrêta court pour poser cette question ; il