Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/198

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vit Marcelle les yeux fermés ; une larme coulait sur sa joue. Elle ne répondait rien. Il poursuivit :

— On commence par tâcher de se faire une âme humble, simple, docile, une âme d’enfant, car avant d’entreprendre une œuvre d’art, il faut entrer dans une disposition morale spéciale, se faire l’homme de son tableau. Ah ! si l’on pouvait être un saint pour peindre des anges, être doux et bon pour envisager la beauté, être parfait pour concevoir le Sauveur !

Marcelle soupira :

— J’ignore tout de l’enseignement spirituel ; je ne suis même pas baptisée ; mais je ne pourrai jamais croire, il me semble.

Là-dessus ils se turent : Marcelle effrayée d’en avoir tant dit, Nicolas mettant une pudeur à exprimer le mysticisme profond qui était en lui. Alors ils revinrent à la maison qu’habitaient les Fontœuvre. Le commis des Dodelaud fermait la devanture. Ils pénétrèrent sous le porche. Marcelle murmura timidement :

— Je vous reverrai quelquefois ?

— Venez quand vous voudrez rue Visconti, Jeanne et moi serons bien heureux.

Elle dit, les yeux à terre :

— Vous commanderez, je vous obéirai.

Et il la vit fuir dans l’escalier sombre où régnait la lumière jaune et sale des becs de gaz.

Marcelle alla droit à sa chambre, si étourdie, si oppressée, qu’elle se laissa tomber sur son lit.