Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/203

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saint. Oui, je cours les sacristies, les sermons, les messes ; dans la rue je suis les vieux curés qui paraissent vénérables ; quelquefois je les aborde, je leur demande un renseignement, je les fais causer. Quand ils sont tout à fait engageants, je leur raconte mon cas : « Monsieur l’abbé, je voudrais peindre Notre-Seigneur et je tremble avant d’aborder une si grande tâche. Dites-moi ce que la tradition nous en apprend. » Mais ils ne savent pas, ils balbutient. Ah ! si je trouvais un saint aux paroles divines !

Jeanne, touchée jusqu’au cœur, l’avait pris dans ses bras.

— Mon chéri, c’est toi le Saint, toi si grand, si bon, si pur. Je ne connais pas en toi l’ombre du mal. Depuis ton enfance candide, quel péché y a-t-il eu dans ta vie ? Tu n’as pas un ennemi, tu ne penses qu’à aider les camarades, et tu es resté dans ton triomphe humble comme le petit vigneron de Triel que tu as été jadis. Mon chéri, tu as l’âme de Fra Angelico ; tu peindras le Sauveur comme lui a peint la Vierge. Pourquoi chercher un saint ?

— Ah ! reprenait-il, comme obsédé par cette idée, un homme devant qui l’on se jetterait à genoux, un François d’Assise moderne…

Ce fut le lendemain qu’il mit sous les yeux de Jeanne un premier croquis de son Christ. Le Sauveur se présentait de trois quarts, droit. dans les plis de sa tunique, au moment où il