Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

curiosité, presque un attrait vers cette enfant. Il était aussi un peu troublé à la pensée qu’à partir de cet instant, il possédait une âme entre ses mains, une âme qu’il pourrait modeler à sa guise. Il hésita, puis il lui dit :

— Je ne suis pas un apôtre, Marcelle ; je ne vous catéchiserai pas. Puisque vous avez été élevée en dehors de la foi chrétienne, et que je ne puis vous l’imposer, je vous laisserai chercher ailleurs vos sources. Mais que ce soit toujours dans les conceptions les plus élevées, les plus surhumaines. Tenez, étudiez la mythologie grecque, lisez l’Iliade. Vivez quelque temps au-dessus de la vie, parmi les géants.

Elle ne répondait pas, ne le regardait pas. Elle était assise près de lui, dans sa robe de toile si étroite, d’où sortait son cou d’un blanc de pastel. Et soudain elle prononça :

— Est-ce que je puis vous dire tout ?

— Mais oui, Marcelle, vous savez bien que je suis votre vieil ami.

Elle s’intimida encore une seconde, et cette gêne puérile d’un enfant, qui essaye de se révéler et n’y parvient pas, était charmante. Quelle fraîcheur de petite fille, quelle nouveauté de printemps, quel mystère insondable !

— Vous savez, je ne suis pas bien heureuse, prononça-t-elle d’une voix sans timbre et tremblante. Papa et maman sont très bons, ils m’aiment beaucoup… seulement ils ne comprennent pas