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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/206

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comme vous, ils ne sont pas artistes comme je voudrais l’être, je ne peux pas l’expliquer… je le sens…

Elle pleura un peu, puis se redressa, les pupilles élargies, laissant transparaître enfin l’exaltation cachée qui la dévorait à l’insu de tout le monde, depuis sa treizième année.

— Je voudrais sortir de la vie, m’évader de la laideur, de la trivialité, de la médiocrité. Je m’ennuie, je m’ennuie, Nicolas ! Puisque mon corps est rivé au coin de misère ou végète ma famille, je veux que mon âme, au moins, voyage, monte toujours, connaisse les sommets. Soyez mon conducteur, emmenez-moi dans votre rêve ; je suis si malheureuse, si malheureuse !

Elle perdait tout contrôle sur ses paroles. Son jeune amour, ses désirs artistiques se confondaient. Et elle était tout à fait transfigurée ; ce qu’il y avait de dur, de cruel dans son visage, avait fait place à la beauté de la douceur, à celle de l’enthousiasme. Alors une grande émotion envahit Nicolas : l’enfant qu’il avait désiré, qu’il n’avait jamais eu, dont il portait comme un deuil mystérieux, il se mit à le chérir en cette petite fille. Elle avait l’âge auquel les pères se complaisent cette exquise adolescence qu’ils aiment tant à suivre, à diriger, qui les émerveille ; et cette petite Marcelle se confiait si puérilement, si simplement à lui !

— Revenez me voir, lui dit-il. Nous ferons de